Abstract (FR)

Nous nous proposons d’étudier ici la manière dont les enjeux économiques liés à la construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur (mais aussi de la recherche) s’articulent avec des enjeux internes, c’est-à-dire avec les luttes qui opposent les universitaires sur la définition du métier et de l’excellence universitaire. Bien que ces enjeux économiques externes soient premiers dans les transformations actuellement à l’œuvre dans l’enseignement supérieur et dans la recherche, comme nous l’avons montré ailleurs, ils rencontrent les intérêts d’une fraction du champ universitaire, la plus investie dans des carrières administratives. En particulier, la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur leur offre des outils, notamment avec la mise en place de l’assurance qualité, d’imposer aux universitaires les plus investis dans la recherche leur propre rapport à l’institution et au temps. L’assurance-qualité permet en effet d’inclure dans la définition de l’excellence pédagogique et scientifique des tâches qui n’en relèvent qu’indirectement, mais qui supposent en revanche un investissement temporel considérable (et qui ne peut qu’entrer en concurrence avec un investissement scientifique). L’examen des critères élaborés pour la mise en place de l’assurance-qualité montre que la thématique de la « valorisation de la pédagogie », utilisée pour légitimer les nouvelles formes d’évaluation imposées par cette assurance qualité, permet surtout d’élargir la conception de la compétence pédagogique qui se trouve de moins en moins rapportée à l’enseignement au profit d’autres activités (« l’accueil », le « tutorat », « le suivi », etc. ). Quant à la recherche, elle se trouve beaucoup plus étroitement dépendante d’une évaluation fondée sur des critères liés à ses applications possibles. L’assurance-qualité introduit ainsi des critères externes d’évaluation dont les universitaires n’ont aucune maîtrise. Ces critères sont actuellement élaborés par le Comité National de l'Evaluation (CNE) avec le « livre des références » mais plusieurs instances devraient à terme se disputer le marché de l’évaluation.