Abstract (FR)

Les frustrations individuelles et collectives, produites par des dysfonctionnements inscrits dans les structures économiques et sociales, sont nécessaires mais insuffisantes pour comprendre l’émergence et le maintien d’un processus protestataire. Le problème chez de nombreux collègues est que leur perspective conduit à majorer le poids des facteurs structurels (chômage, répartition du pouvoir, état des libertés, répartition des revenus…) en mobilisant une théorie éruptive de l’émeute et de la révolution. On sait que l’historien Edward Thompson a récusé cette vision ; mais celle-ci a toujours tendance à se réfugier dans les espaces sociaux dans lesquels le spécialiste est sûr qu’il ne sera pas embêté par ses enquêtés : les classes populaires et, pour aller vite, le monde en développement. Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils soient réellement animés par ce mépris ou non, il y a dans de nombreuses tentatives de la plupart des spécialistes et des chercheurs en sciences sociales un impensé très robuste : malgré tous leurs efforts pour penser les sociétés « indigènes » comme égales des sociétés occidentales  (c’est valable, au sein des sociétés occidentales pour les classes populaires) ; pour mobiliser des concepts génériques aux sciences sociales, ces sociétés sont différentes et nécessitent pour les appréhender soit de relativiser l’universalité des concepts que l’on a l’habitude de mobiliser dans les sociétés occidentales ; soit d’en adjoindre et de créer de nouveaux.